La sortie longue : apprendre, toujours apprendre

Chaque course est un apprentissage. Alors quand on prépare un marathon et qu’on court 3 à 4 fois par semaine, cela fait beaucoup d’apprentissage. Encore plus lors de la fameuse « sortie longue ». Depuis le marathon de Venise, je me suis surpris à poster des articles sur mes courses d’entraînement qui sortaient de l’ordinaire (voir Histoire de chute(s) ou Le syndrome du 2ème jour) et aujourd’hui, plus la course avançait, plus je me suis dit que le petit commentaire sur Strava ne serait pas suffisant. Rien d’extraordinaire pourtant mais un vrai apprentissage, une grande leçon d’humilité qu’il me tarde de poser par écrit.

Pour démarrer, resituons le contexte de cette course. Je cours le marathon de Paris dans 2 mois et j’essaie, tant bien que mal, de m’entraîner. Je n’arrive pas à suivre mon plan d’entraînement fait de sorties longues, sorties courtes, fractionnés… mais au final je cours depuis début janvier environ 3 fois par semaine : 12 courses, 140 kms en janvier : pas trop mal pour cette période de froid, de pluie et de vent que je redoutais tant. Pour démarrer février, le programme est sympa mais pas propice à l’entraînement : festival du film de Gérardmer, 22 films en 4 jours, munster et raclette et la quasi-totalité du temps passé assis, dans les salles mais aussi dans la voiture avec 10 heures de route. Bref un vrai marathon mais qui ne fait pas beaucoup travailler les jambes (voir articles à venir sur ce fantastique festival). J’ai réussi à caser 2 tours de lacs (11kms) vendredi matin à la place d’une projection (un docu sur Alien qui ne m’attirait pas) mais j’étais en retard sur mon rythme de 3 sorties par semaine et surtout sur mes sorties longues (20kms et plus). Donc c’était décidé, ce lundi j’allais courir avec une sortie longue au programme. Récemment (voir article Histoire de chute(s)) j’ai tenté un nouveau circuit le long de la Seine et mon idée est d’allonger cette boucle de 17km en ne prenant pas le pont du Pecq mais le pont suivant, potentiellement le pont de Chatou. Sans doute pas loin de 25 / 30 kms au programme, je n’ai pas regardé, j’aviserai.

Vu comme ça, ça a l’air plutôt simple

Ce matin 8h30. La nuit a été courte (arrivée à 0h30 de Gérardmer) mais tout va bien. En emmenant les filles à l’école, j’ai pu valider un point critique dans le déroulement de ma journée : il fait doux, très doux et il ne pleut pas. Bon présage. Je prépare mes affaires et notamment mon camel bag que je compte essayer pour la première fois sur cette sortie longue. Je me prends la tête pour comprendre comment ça marche, j’ai paumé la notice et je m’énerve. Je mets de l’eau dans la poche, essaie de refermer, me fout de l’eau partout, ne comprend pas le système de fermeture, je m’énerve encore plus et donc… je demande de l’aide à ma femme. 2 minutes après, la question est réglée. A ma décharge, je venais d’avoir SFR pour le 25è en 2 mois pour toujours le même problème de télé et ils m’avaient bien chauffé (voir article Financiarisation de l’économie : c’est énorme, tout se recoupe!). Bref ça y est je suis paré, je sors et lance mon casque MP3. En guise de gros son dans mes oreilles résonne un atone « low battery ». Je tiens à signaler que j’avais pensé à le recharger à Gérardmer mais j’ai un vrai gros problème de charge avec ce truc. Et m… Je ne vais pas me taper 2h30 de course sans musique!! Donc changement de programme. Je rentre, j’essaie tant bien que mal de relancer la charge et y arrive après 30mn d’essais infructeux. Il est 10h10, il faut 1h30 pour recharger complètement le MP3. J’ai plein de choses à faire donc me voilà en tenue de sport en train de gérer mes affaires courantes. La tenue de sport qui mérite d’être mentionné car, pour la première fois depuis Venise fin octobre je vais courir en short et en manches courtes. C’est peu de choses mais pour moi ça veut dire beaucoup. Donc j’enchaîne mes emails en short / t-shirts jusque 11h30. Le MP3 est prêt, je peux y aller. Sauf que j’ai un rendez-vous téléphonique pro à 13h30 avec une personne que je ne connais pas. Trop juste pour une sortie longue alors j’envoie un petit message demandant de décaler de 30 mn : 14h, ça devrait être bon. J’ai confiance en ma vitesse ou plutôt dans ma faculté à expliquer mon retard. Allez cette fois c’est bon, c’est parti.

Chaque course est un apprentissage disais-je et je vais donc essayer d’illustrer mes nombreux apprentissages du jour.

1. Courir avec un camel bag : moins galère que prévu

Quand j’ai acheté ce truc, je n’étais pas bien convaincu. C’était avant tout une manière de me forcer à faire des sorties longues avec de l’eau sur moi car j’ai remarqué que c’est souvent à partir de 20km que je commence à avoir soif. Pour mes rares sorties de plus de 20 kms, j’étais obligé de faire une boucle qui passait par chez moi pour laisser une bouteille dans le jardin et m’y arrêter pour boire. Pas optimal. Alors tentative camel bag. La vue de ce tuyau pour boire brinquebalant devant moi me semble rédhibitoire mais finalement j’arrive à caler tout ça sans que cela ne me gêne. Pour le poids et la gêne du sac, là encore pas de souci : c’est super bien fait, ça colle au corps, ça ne bouge pas et le poids de l’eau est minime. Bref contre toute attente je valide le camel bag assez rapidement. Bon cela ne m’empêchera pas de me battre régulièrement avec ce foutu tuyau pour le caler mais c’est OK. Moi qui ne supporte pas d’avoir à porter quoi que ce soit en course pour être totalement libre de mes mouvements, moi qui suis allé jusqu’à acheté un casque avec disque dur intégré pour ne pas trimbaler mon smartphone sur le bras, me voiià harnaché comme jamais sans que cela ne me pose problème. Par contre l’intérêt d’un camel bag, c’est de boire pour se donner un coup de boost et éviter le coup de moins bien. Sur ce plan, ça a moyennement marché. Parce que, et c’est bien le 2ème enseignement de cette course…

2. Je suis hors de forme

Petit retour en arrière. Pour ma précédente préparation, j’ai couru tour à tour 20 / 24 / 26 et 28kms. Ces 2 dernières distances avaient été particulièrement dures mais je les avais faites en 5’30 environ au kilomètre. Pour vous donner une idée, j’ai couru ce jour environ 24km en 6’13 de moyenne. Bref, c’est pas la même salade du tout. L’objectif du jour n’était pas le temps mais ça pose forcément question. Pour référence je cours très rarement au-delà de 6mn au kilomètre, uniquement sur des sorties longues sur la fin ou vallonnées. Alors quand, dès le 6e km, je fais un km en 6mn, je me dis que cette sortie ne va pas rester dans les annales. Capacité de réaction : je me fixe un nouvelle objectif : rester sous les 6mn au kilomètre jusqu’au bout. Sauf que je ne sais pas combien de temps je vais courir vu que je ne sais pas quel pont je vais prendre. Quand, après le 11è kilomètre les 6mn sont de nouveau dépassées, je me dis que passer sous le 6mn sur un kilomètre à venir, ça sera déjà pas mal. Sauf que même ça je n’y arrive pas. J’arrive péniblement à 6’02 mais rien en dessous. A partir du 20è kilomètre, c’est encore pire : je passe les 7 mns au kilomètre et donc je me dis que ce serait bien de ne pas renouveler cette « performance »… ce que je ferai très difficilement les 2 kilomètres suivants en 6’55 et 6’59. Bref c’est super dur, les jambes sont super lourdes et je ne peux même pas blâmer l’absence d’eau (j’en ai) ou le poids de mon camel bag (il ne me gêne pas). Mes jambes pèsent une tonne, je ne peux pas accélérer et je me dis que finalement 4 heures pour le marathon c’est un p… d’objectif. Parce que c’est bien là l’apprentissage le plus fondamental de cette course :

3. Contente-toi de viser 4h, ne cherche pas à faire mieux

Depuis la préparation de mon premier marathon, mes temps sur 15 ou 20kms, mes entraînements longs… je me suis convaincu que 4 heures (5’41 au km) est non seulement atteignable mais surtout que, dans un bon jour, je peux aller chercher le 3h50 (5’30 au km). Mauvaise idée. Si je fais 4 heures, ce sera un authentique exploit parce que, vu ma course d’aujourd’hui, je ne sais même pas comment c’est possible. J’ai fait mon semi aujourd’hui en 2h07 ce qui me met sur les 4h15 de mon premier marathon. Sauf que j’avais plus un pet de jus. J’avais déjà vécu cela sur une sortie longue l’année dernière mais maintenant que je sais ce que c’est, je confirme : je pense avoir fini aujourd’hui à peu près à la vitesse de mes 3 derniers kilomètres à Venise. La course à pied apprend l’humilité, on ne cesse de le dire et on ne cesse d’être d’une totale arrogance quand il s’agit de s’y atteler. Tout le monde sait qu’il ne faut pas partir trop vite mais tout le monde part trop vite. Un ami m’a confié qu’il lui a fallu 10 marathons avant de vraiment tenir son rythme sur les premiers kilomètres et il se surprend encore (après 25) à partir trop vite. La course à pied c’est une école de l’humilité peuplée d’élèves d’une grande arrogance (parce que compétiteur je suppose). Et moi le premier. L’humilité est une valeur qui me parle énormément, j’aime me définir (sans humilité aucune) comme quelqu’un qui porte haut cette valeur et qui essaie de l’incarner. Sauf que j’ai fait mon premier semi du marathon de Venise en 1h53 pour un objectif de 4 heures : donc 7 minutes trop rapides. Résultat : j’ai explosé et fait mon 2ème semi en 2h25. Ecrire ces quelques lignes est forcément une catharsis et donc un moyen d’essayer de me rentrer ça dans le crâne. Ne pars pas vite et ne vise rien d’autre que 4h. Et ce sera déjà énorme de les tenir vu la course de ce jour.

4. La découverte c’est sympa mais rien ne vaut un bon parcours balisé

L’idée de faire une sortie longue sans en connaître la distance, ce n’était pas l’idée du siècle. C’est sypa de se balader et de découvrir mais il ne faut pas mélanger les objectifs. Les bords de Seine sont aménagés, il me suffirait de prendre mon vélo et de faire un petit repérage en amont. Mais non, comme je suis quelqu’un de très humble, sûr de ma force, je pars sans savoir le temps, la distance, le terrain. Mauvaise idée. Je connaissais le parcours jusqu’au pont du Pecq, très sympa au demeurant. J’ai continué le long de la Seine à Croissy et j’ai cherché de yeux un truc qui ressemble à un pont. A un moment j’ai cru voir un vague pont, j’ai suivi le sentier de l’écluse, ça sentait bon le shortcut. Sauf que j’avais pas prévu de faire un triathlon et donc non ce n’était pas un raccourci. J’ai donc continué encore en me demandant si je devais rebrousser chemin. Etant dans un état que je qualifierai de précaire, envisager 30 kms ne me semblaient pas une super idée… mais revenir en arrière non plus (j’ai un vrai problème avec le retour en arrière, voir Histoire de chute(s)). Puis finalement au loin un autre pont apparaît (pont de Chatou?). Ca fera un peu moins de 13kms, la distance est OK. Je traverse en essayant de voir si les quais sont aménagés. Parce que sinon c’est la N13, pas vraiment la sortie champêtre rêvée. Je vois des quais sympas, je descends… et je réalise que j’ai de l’eau des 2 côtés : je suis sur une ile donc je ne peux pas descendre là, vu l’absence de pont sur le retour. Je remonte donc (un peu de dénivelé, ça ne fait pas de mal, enfin si justement) et je rejoins… la N13. Pas glop… Je découvre alors qu’il y avait un pont entre l’île et la N13 et que j’aurais pu le prendre et donc nouvelle leçon : repère ton parcours p… C’est pas comme si je surfais sur le bitume et que je pouvais me permettre des allers et retours. L’humilité dans les entraînements, c’est être prévoyant, ne pas se lancer dans l’inconnu.

5. Au bout d’un an, on se lasse un peu de la playlist

Lors du festival de Gérardmer, il y avait toujours une ambiance musicale aux petits oignons avant les films, pour faire patienter. Armé de Shazam, j’ai donc fait la découverte de super morceaux qui ont mis un coup de vieux à ma playlist de courses très années 90. Alors attention, je ne renie pas cette liste qui est immortelle et que j’adore. Mais varier les plaisirs et me la ressortir pour le marathon par exemple, ça serait une bonne idée. Donc prochaine étape : me faire une playlist plus récente pour les 2 derniers mois d’entraînement.

5. Définitivement je ne courrai pas avec ces chaussures mon marathon

Il y a 3 semaines, je me suis acheté une nouvelle paire de chaussures de running, ma 3ème en 1 an et demi. Après des Adidas (très bien), des Brooks Ghost 11 (super), j’avais décidé de continuer ma découverte du monde de la chaussure de courses en écoutant mon vendeur et en prenant des Asics Nimbus 21. Tout un programme. Mes premières impressions étaient pourtant moyennes, impressions confirmées par ma sortie longue. J’ai eu mal à la voute plantaire comme jamais ce qui, associé à mes douleurs aux adducteurs et à la hanche, a fini de brosser la tableau apocalyptique cette course

6. On est toujours fier d’une sortie longue

Quel que soit la performance, faire une sortie de plus de 20kms reste un événement à ne pas minimiser… en tout cas pour moi. Ce genre de courses et d’expérience m’a manqué pour tenir la distance sur le marathon. Je sais qu’il faut que j’en fasse plus mais ce n’est que ma première au-delà de 20 sur cette préparation. C’est dans ce sens que j’ai acheté un camel bag. Mais il est vrai que ma course du jour ne m’invite pas à remettre ça tout de suite. Qu’à cela ne tienne, j’ai la satisfaction d’avoir couru 24km, j’ai un nouveau point de référence pour étalonner mes sorties longues futures et c’est très bien. Donc je suis hors de forme mais d’autant plus satisfait d’être allé au bout.

7. Ne jamais sous-estimer l’impact des sous-vêtements

C’est très connu, on peut le lire partout mais je n’avais jamais expérimenté : les coutures des caleçons / bowers / slips peuvent être mortels. Et ben ça y est, je peux aussi cocher cette case et je ferai donc bien attention au choix de mon slip pour mes sorties longues, contrairement à ce matin où j’ai sauté dans le premier venu. J’avais pourtant bien retenu une chose : bien choisir ses vêtements et ses sous-vêtements pour le marathon ce qui me vaut cette anecdote : j’ai couru mon premier marathon (et sans doute mon deuxième) avec mon slip e mariage, un superbe Cacharel acheté pour l’occasion…il y 15 ans et qui s’avère être juste parfait pour la couse.

Pour finir, cette sortie longue a été un vrai calvaire. A partir du 10è km, j’avais des flashs qui me venaient où je faisais du stop pour rentrer. Au 15è, j’a pensé marcher et rentrer à pied, notamment quand j’ai compris que je ne serai jamais à l’heure pour mon rendez-vous. Au 20è passer sous la barre des 7 minutes au kilomètre était un exploit. J’ai pensé m’arrêter au panneau Maisons-Laffitte, puis au pont au-dessus de la voie ferrée et enfin mon dévolu s’est fixé sur la grille du château : cela me semblait être le parfait écrin pour une arrivée au sommet… de la douleur. Ca écourtait mon calvaire de 300 mètres, c’était un peu mesquin mais je me suis convaincu en me disant que les derniers mètres en marchant me feraient du bien. Tu parles! Je pouvais plus marcher, j’avais mal partout. Heureusement demain je vois celle qui je l’espère sera ma sauveuse : mon ostéopathe que je n’ai pas revu depuis mi-octobre et qui aura comme lourde tâche de faire disparaître cette grosse douleur à la hanche qui me fait douter depuis quelques semaines et de me remettre d’aplomb après cette sortie longue.

Pour le détail de la course, voir ici : https://www.strava.com/activities/3068289393

Une sortie longue : des apprentissages, une leçon de vie. Voilà une semaine qui démarre bien!!!

NB : je suis arrivé à 14h20 à la maison. Il est 16h, l’article est fini. Je vais peut-être pouvoir aller me doucher!!!

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