Le plaisir de la course – j’ai donné ce titre à cet article il y a quelques jours et voilà que je tombe sur un post du magazine « Running Heroes » intitulé « le plaisir de la course ». C’est toujours amusant le hasard. Cet article de « Running Heroes » mentionne 3 raisons principales de courir : pour la performance, pour l’hygiène de vie et pour le simple plaisir, raison que je trouve personnellement la plus louable.
Le plaisir de la course : c’est donc exactement ce que j’aurais pu chercher et atteindre après plus de 3 ans de course à pied régulière, une dizaine de courses régionales et un marathon. Courir pour se sentir bien, jusqu’à en ressentir le besoin. Et pourtant je suis très loin d’avoir atteint cette plénitude, cette sorte d’osmose avec mon corps en action lors de mes sorties pédestres. OK je suis toujours plutôt satisfait après une sortie, je suis content d’avoir plein de maillots de course différents dans ma garde-robe (autant de souvenirs et de satisfactions personnelles) mais jamais mes jambes, mon corps, ma tête n’émettent un signal fort me suppliant de sortir courir. Seul mon ventre, chaque année un peu plus gros et mou, m’envoie un petit signal qu’il serait de bon ton d’aller courir un peu mais c’est bien maigre par rapport à l’appel de, dans le désordre : la couette, la flemme, la nourriture, le travail… Non, définitivement non, je n’ai pas basculé du côté des « runner addicts » et pourtant je cours quand même, inlassablement (quoique).
La raison de ce plaisir tout relatif est évidente et à déjà été évoquée sur ce blog : le challenge (plus que la performance). L’objectif sous-tend tout le reste : la motivation, l’entraînement, le sens de l’effort et du dépassement. Le dernier objectif en date est le marathon de Paris, par deux fois reporté, et qui doit maintenant avoir lieu dans deux mois, le 17 octobre prochain. Et donc, tant bien que mal, j’essaie de m’astreindre à mes 20 / 30 / 40kms hebdomadaires.
Sauf que cette année, c’est beaucoup plus dur que pour mon premier marathon il y a deux ans. Les raisons sont sans aucun doute multiples mais je vais me contenter d’en lister trois :
Le travail : pour mon premier marathon, j’avais le luxe ultime de ne pas travailler et donc de pouvoir faire 3 à 4 sorties par semaine sans aucune contrainte particulière. Les sorties devenaient même un objectif majeur de la journée et je pouvais organiser mon emploi du temps en fonction. Pour ce deuxième marathon, fini la dolce vita, je dois m’entraîner et travailler en même temps. Rien de bien exceptionnel car c’est le cas de 95% des coureurs mais j’avais été mal habitué. Comme je l’exposerai dans un autre article, j’essaie bien d’allier l’utile à l’utile et donc de courir lors de mes déplacements professionnels mais ce n’est pas suffisant.
La charge mentale : non, ce concept n’est pas uniquement féminin même si, je dois l’admettre, cette charge mentale n’est que peu liée à la gestion du quotidien de la vie familiale. Mais ce terme de charge mentale illustre parfaitement mon propos. Pour préparer un marathon, il est préférable de pouvoir dédier son temps et son esprit à la course. Comme on l’a vu sur le point 1, j’ai plus de mal à libérer du temps. Mais j’ai aussi plus de mal à libérer mon esprit pour me consacrer à cet objectif. La cause : non pas mon travail, prenant sans être prise de tête, mais nos travaux tentaculaires dans la maison, amenant plein de choses à gérer (rangement, transfert, déménagement, nouveaux lieux d’habitation temporaires), son lot de désagrément (deux inondations) et qui, au final, nous prennent la tête au sens propre. Certes je suis ravi de ce beau projet mais là encore il n’aide pas ma préparation.
Un vrai coureur ferait fi de ces deux premières raisons qui ralentissent / ramollissent fortement ma préparation. Mais je ne sais pas ce qu’il penserait de mon troisième blocage : mes problèmes de montre connectée. C’est totalement pathétique et insupportable de se rendre dépendant de la technologie. Et pourtant je vais passer un peu de temps sur ce point car ce point touche presque à une notion philosophique. J’ai repris la course en avril après de longs mois d’hibernation. J’avais six mois pour me préparer et donc j’avais prévu de redémarrer en douceur. Sauf que, coup d’arrêt, je perds ma montre connectée en déplacement, après une belle sortie de course à pied à Albi. J’ai alors décidé de m’affranchir de cet objet de malheur, source de toutes les dépendances et donc de retrouver l’essence même de la course en courant sans montre : un coup sans rien, un autre avec le téléphone dans la poche (mais c’est ch… quand même). Mais finalement cela a surtout ralenti ma préparation, jusqu’à ce que j’arrête de courir. Parce que, à côté de ça, il y avait les points 1 et 2, le travail et les travaux. Et plus de datas pour suivre ma performance. Le simple plaisir de la course n’avait aucun poids face à ces freins majeurs.
Donc j’ai finalement décidé, après quelques semaines, de me racheter une montre connectée. J’ai repris la même marque, parce que j’étais habitué et pour éviter de me galérer avec les éléments connexes comme le chargeur ou l’appli (point important pour la suite de l’histoire). La redécouverte des charmes de la montre connectée a coïncidé avec le démarrage d’un nouveau plan d’entraînement, avec comme objectif (trop) ambitieux de 4h au marathon. Mais, voilà qu’après 5 semaines de préparation (pas très assidue), je perds mon chargeur (quelque part dans nos multiples déménagements). J’en avais deux de ma montre précédente mais, à l’instar des Iphone première génération, les chargeurs ont changé et donc ils sont très spécifiques (ça aussi ça pourrait valoir un article complet, tellement ça me prend la tête). Comme cette perte correspondait à notre déménagement, j’ai interrompu ma préparation une semaine. Pas de souci, j’avais un peu de rab avec une préparation calée sur 10 semaines (j’en avais 15). J’ai repris l’entraînement début août sérieusement car le frein 1 avait disparu : j’étais en vacances. Et le frein 2 aussi en partie : j’étais loin de ma maison. Donc 4 sorties en une semaine et 48 kms de course (à peu près). Bien !
Sauf que courir sans montre quand on s’entraîne sur un objectif donné, c’est juste l’enfer. Je devais faire des fractionnés, des sorties à allure marathon ou encore une sortie longue de 2 heures. Mais, dans ma quête de me délester de tout poids, de (re)trouver ce plaisir innocent de la course à pied, je m’étais décidé de courir sans téléphone. Donc retour aux méthodes ancestrales : je pars, je regarde l’heure sur l’horloge (je n’ai pas montre), je reviens, je regarde l’heure à l’arrivée et j’essaie d’estimer le trajet. Pratique quand on court le long du canal de Bourgogne, il suffit de suivre les kilomètres sur les écluses (de 18,4 à 22,8km de Dijon par exemple). Mais les écluses sont moins fiables que les montres connectées : quand, après une heure vingt de course où je me suis arraché, je calcule grâce aux écluses que j’ai couru 10kms, je suis un peu déprimé. Qu’à cela ne tienne, j’emprunte le lendemain le bracelet de ma femme, qu’elle utilise régulièrement pour compter ses pas journaliers. Je pars une heure, le contraste est mal réglé et donc je ne vois rien sur l’écran de toute ma course. Mais au moins je me dis qu’à la fin je vais pouvoir étudier ma performance. Je n’ai pas été déçu : une heure de course et 7,8km au compteur. Donc pour conclure : les écluses, ça ne marche pas, le bracelet montre de ma femme non plus. Pour compléter ces méthodes de comptage peu fiables, j’en avais ajouté une autre : compter dans ma tête. Mais là aussi passer 400, je dois avouer en avoir eu un peu marre.
C’est donc dans cette situation compliquée que j’attaque mon voyage en Grèce. Il me reste 8 semaines avant le marathon donc j’ai encore le temps de dérouler ma préparation (j’en suis théoriquement à la semaine 4 bis selon mes enregistrements Strava, 4 bis parce que j’avais trop peu couru la semaine 4). Mais je n’ai pas retrouvé mon chargeur, je n’ai même pas une montre pour avoir à minima mon temps de course et j’envisage donc de plus en plus sérieusement à courir avec mon téléphone dans la poche en attendant de retrouver mon chargeur quelque part un jour (ou d’en racheter un, mais là ça me fait mal au …). Pas pratique du tout de courir avec le téléphone quand ça fait 2 ans que vous vous êtes équipé pour ne plus courir avec. Mais courir sans data, c’est trop galère. Et tant pis pour la dictature de la data. Au pays de la mythologie (j’écris cet article en Grèce), je m’en remets à mon Dieu Strava.
Alors courir pour se sentir connecté à son environnement oui (comme les amateurs d’escalade à mains nues ou les coureurs à pieds nus africains) mais surtout pour être connecté et avoir des datas, de la mesure, des objectifs… Je suis forcément un peu déçu de ne pas me satisfaire d’une simple course mais je me rends à l’évidence : je suis accroc à mes données de courses. J’ai répété à l’envi à nos utilisateurs du système CRM Salesforce dans mon entreprise précédente : « ce qui n’est pas dans Salesforce n’existe pas ». C’était un leitmotiv et le message majeur de notre migration vers ce système. Cela signifiait : si la donnée n’est pas enregistrée dans le logiciel, elle n’existe pas pour l’entreprise (et donc pour votre bonus de fin d’année !). Finalement je me rends compte que cette phrase, très mal vécue par les commerciaux, était extrêmement violente et que ce constat s’étend bien au-delà de Salesforce. Mais je n’arrive pas totalement à me résoudre à dire : ce qui n’est pas dans Strava n’existe pas, tout ce qui n’est pas mesuré n’est pas bénéfique. C’est parce que je n’accepte pas totalement ces adages, parce que la dictature de la donnée m’énerve, parce que j’aimerais juste courir pour courir et que les bienfaits soient juste induits sans être mesurés… pour toutes ces raisons je ne me résous pas à racheter un chargeur, à courir avec mon téléphone.
NB : n’ayant pas posté l’article avant mon départ en vacances en Grèce, je peux compléter l’histoire à mon retour de vacances avec 7 courses de 8 à 16km avec le téléphone dans la poche et, 5 fois sur 7, un problème de mesure de mon chrono, comme pour me faire regretter davantage la perte de mon chargeur de montre connecté (une fois plus de batterie, une fois mal rappuyé sur le bouton « reprendre » après une photo », 2 fois perte de signal GPS…). Mais au moins je me suis un peu rapproché du plaisir de la course en couplant chaque sortie avec une découverte d’une partie de l’île et un safari-photo.